INTRODUCTION

Le mot "rapace" vient du mot latin rapax, signifiant "ravisseur", dérivé de rapere : "prendre de force". Le terme évoque des images d'oiseaux prédateurs capturant, transformant et consommant leurs proies, et ce n'est pas le fruit du hasard si les armes des rapaces, bec et serres, comptent parmi leurs traits les plus remarquables. Les doigts puissants, dotés de griffes acérées, associés au bec crochu entouré d'une "cire" de peau nue, suffisent à les identifier aussitôt. Les perroquets possèdent un bec analogue mais une seule espèce l'utilise pour déchirer la viande et aucune n'est munie de serres. D'autres oiseaux aux doigts robustes, comme les faisans, ne les utilisent pas pour saisir, et leurs ongles ne sont pas recourbés comme ceux des rapaces.

Un exemple du symbolisme lié aux rapaces. Le pygargue à tête blanche, emblème des Etats-Unis, emmène une mission spatiale de la NASA avec une énergie témoignant d'une absolue maîtrise des airs.
Les rapaces comptent quelque 292 espèces d'oiseaux de proie dirunes et 162 espèces de chouettes et hiboux. Quelques-unes de ces espèces correspondent mieux que d'autres à l'image traditionnelles du rapace. Les rapaces diurnes vont du fauconnet, qui a la taille d'une grive et se nourrit d'insectes, aux grands aigles chasseurs de singes et aux vautours consommateurs de charognes. Entre ces extrèmes, on trouve des espèces spécialisées se nourissant de guêpes, d'escargots, de serpents ou d'os ; d'autres qui pêchent, des chasseurs aériens d'oiseaux et des marcheurs recherchant de petits animaux. Une espèce, le vautour percnoptère (Neophron percnoterus), utilise même des pierres en guise d'outils pour briser les oeufs d'autruche. Les plus petites espèces sont égalées, en matières de capacités prédatrices, par des oiseaux comme les pies grièches, les drongos ou les gonoleks. Les plus grands rapaces, eux, n'ont pas d'équivalent, parmi les oiseaux, dans leur façon puissante et adroite de capturer des proies souvent plus grosses qu'eux.

Véritable miniature, le fauconnet pygmée africain (Polihierax semitorquatus) présente tous les attibuts des rapaces. Pesant moins de 100g, il possède, tout comme ses cousins plus grands, un bec crochu, de fortes serres et un vol agile et rapide.

La vue et le vol des rapaces sont les autres attributs qui les distinguent. On les retrouve dans des expressions comme "avoir un regard d'aigle" ou "c'est un aigle". Ces facultés ont tant impressionné l'homme que les rapaces figurent sur l'emblème de maints pays ou sociétés. Quant aux allusions à leur bravoure, elles figurent dans de nombreuses langues, notamment par le biais du vocabulaire traditionnel de la fauconnerie.

GENERALITES

Les rapaces sont divisés en six grands groupes, définis par une combinaison de caractères anatomiques, comportementaux et biologiques. Les ancêtres de ces groupes et leurs relations sont mal connus, et la classification traditionnelle des oiseaux a plutôt été rétablie au regard de ressemblances superficielles que de notions anatomiques et biologiques. Une telle démarche privilégie les traits communs comme le bec crochu et les serres, alors que ceux-ci ne sont souvent que des phénomènes de convergence, des adaptations identiques issues de sources différentes. Cependant il existe un large consensus pour placer telle espèce dans tel groupe.

Les chouettes et les hiboux (strigidés), rapaces spécialisés dans la prédation crépusculaire et nocturne, sont aussitôt identifiables par des traits anatomiques et physiologiques particuliers. Ils se distinguent des autres rapaces par l'absence de jabot, par la présence d'un arc osseux sur le radius et de sacs caecaux intestinaux, et par des différences sur le plan de la mue. En outre, ils possèdent une vue, une ouïe et un plumage adaptés à leur vie nocturne. Ils font partie du groupe le plus éloigné des autres rapaces : rangés dans l'ordre des strigiformes, ils sont généralement rapprochés d'autres oiseaux nocturnes appartenant à l'ordre des caprimulgiformes : engoulevents, ibijaux et podarges

Les rapaces diurnes, plus nombreux, ont été regroupés en un seul grand ordre, celui des falconiformes ; ceci, plutôt sur la base de ressemblances générales que de considérations anatomiques ou comportementales. Ils ont en commun des parasites du plumage différents de ceux des hiboux, et la structure de leurs chromosomes et de leur ADN montre des divergences entre leur évolution et celles des rapaces nocturnes. Les relations des rapaces diurnes avec d'autres oiseaux ne sont pas établies. Toutefois des études anatomiques et génétiques en cours suggèrent que divers oiseaux d'eau - pluviers (charadriiformes), pélicans (pélécaniformes), cigognes (ciconiiformes), albatros (procellariiformes) - sont leurs proches parents. Les cing groupes de rapaces diurnes sont si distincts qu'ils ont parfois été considérés comme des ordres à part entière.


Tous sont immédiatement reconnaissables au bec en crochet, aux pattes puissantes et aux grands yeux ; mais leurs autres points communs sont moins visibles. La base du bec est recouverte d'un étui nommé "cire", où s'ouvrent les narines. Le jabot (où la nourriture est d'abord stockée) est très développé mais les sacs caecaux intestinaux sont réduits. L'ovaire et l'oviducte gauches sont plus importants chez la plupart des oiseaux alors que ceux des rapaces diurnes sont également développés et fonctionnels. Les jeunes ont, à l'éclosion, un fin duvet produit par les follicules qui donneront les futurs plumes. Ce premier duvet est ensuite remplacé par un second, plus dense, produit par les follicules d'où naîtra le duvet définitif, appelé à recouvrir le corps sous le plumage. Tous les rapaces diurnes, une fois emplumés, ont 10 rémiges primaires fonctionnelles, 11 à 25 rémiges secondaires et 12 à 14 rectrices (plumes à la queue). Chez la plupart des espèces, les plumes situées à la hauteur du tibia sont allongées, souvent colorées et exhibées durant les parades. La majorité des espèces de rapaces adoptent une posture typique pour se sécher après la pluie ou prendre un bain de soleil : les ailes grandes ouvertes et le corps dressé.

LES TEMOIGNAGES-FOSSILES


La découverte en 1861, d'un fossile d'Archaeopteryx, l'oiseau le plus primitif que l'on connaisse, a contribué a étayer la théorie de l'évolution. En effet, elle établissait un lien entre les oiseaux et les reptiles. La présence de plumes montre bien que c'était un oiseau, et la plupart des scientifiques lui reconnaissent une relative aptitude au vol ; toutefois il avait des dents, du type que l'on trouve chez les crocodiliens. Archaeopteryx était un petit prédateur, se nourrissant probablement d'insectes et de lézards ; il n'est cependant pas l'ancêtre des rapaces. On ne peut même pas affirmer qu'il soit un précurseur direct des oiseaux modernes ; il représenterait plutôt une branche latérale dans l'"évolution des oieaux. Les fossiles de rapaces sont très abondants et leur étude montre qu'ils ont évolué très tôt, à partir d'un groupe primitif qui pourrait avoir été contemporain d'Archaeopteryx.
 

Les fossiles de rapaces pouvant jeter une lumière sur les origines des différents groupes et sur leurs relations sont abondants ; leur interprétation souffre toutefois d'une lacune affectant la compréhension de relations globales : des études détaillées (du squelette, par exemple) des espèces actuelles manquent encore.

Les restes fossiles des cing grands groupes actuels de rapaces remontent au début du Tertiaire, il y a 30 à 50 millions d'années ; ils indiquent que les rapaces doivent être issus d'un ancien et même groupe d'oiseaux. De tels restes sont d'autant plus fréquents que l'on s'approche de l'époque moderne.

Les catharidés furent d'abord découverts en France, dans des gisements remontant à la fin de l'Eocène ou au début de l'Oligocène (30 à 50 m. a.). Curieusement, leur présence dans le Nouveau Monde, où ils sont à présent confinés, ne date que du Pliocène (2 à 5 m. a.). De tels témoignages procurent de précieux indices à ceux qui tentent d'expliquer les origines géographiques des oiseaux actuels. Certains des condors disparus avaient l'aspect de cygognes, avec de grandes pattes et le bec étonnament recourbé. Ces proches parents, les tératornithidés, étaient de grands planeurs dont on connaît quatre espèces. Le premier d'entre eux, trouvé dans des dépôts du Miocène supérieur (10 m.a..) en Argentine, était le plus grand de tous, avec une envergure probable de plus de 7 m et un poids de 120 kg. Toutes ces espèces étaient aussi grandes, sinon plus, que les condors actuels. Il semble que ces oiseaux soient apparus en Amérique du Sud et aient été des chasseurs plus que des charognards. Le dernier des tératornithidés survécut jusqu'aux glaciations du Pléistocène, il y a 1,8 million d'années.

Une espèce fossile récente, selon les normes géologiques, l'aigle de Haast (Harpagornis moorei), habitait les forêts de Nouvelle-Zélande il y a au moins 30000 ans, et jusqu'il y a moins de 1000 ans. Il se nourrisait probablement d'oies aptères et de moas avant que les Polynésiens colonisent ces îles, détruisent la forêt et chassent ces oiseaux jusqu'à l'extinction. Plus grand que tout aigle existant, il avait de robustes pattes et des serres semblables à des griffes de tigre. Son cräne fossilisé rappelle celui, plus petit, d'un rapace actuel,l'uraète audacieux ou aigle australien.

Les premiers accipitridés ont été découverts en France dans des dépôts de l'Eocène supérieur ou de l'Oligocène inférieur (35 m. a.). Ils sont supposés proches des buses. Des restes de vautours rappelant ceux de l'Ancien Monde - notamment le vautour percnoptère - sont connus en Amérique du Nord. Ils mettent une nouvelle fois en garde contre les déductions relatives à l'origine géographique d'un groupe en fonction de sa distribution actuelle.

Des fossiles de parents du balbuzard, découverts en Egypte et en Californie; suggèrent une large distribution précoce de ce groupe. Une lignée assez différente apparut en Floride au Miocène supérieur. Des restes de deux espèces proches du serpentaire, mais avec des pattes plus courtes, sont connues en France, alors que la famille est à présent confinée à l'Afrique. Ils datent de l'Oligocène supérieur (25 à 30 m.a.) et du Miocène : ils étaientcontemporains des cathartidés de l'Ancien Monde.

Les premiers falconidés, très semblables aux caracaras, ont été trouvés, dans les deux Amériques, dans des terrains du Miocène (20 m.a.). Ils laissent supposer une répartition ancienne plus vaste dans le Nouveau Monde.

LES YEUX

La vision remarquable des rapaces est le fruit d'une structure de l'oeil parmi les plus avancées chez les vertébrés. Les yeux de la plupart des oiseaux sont grands par rapport au crâne, mais ceux des rapaces - notamment des hiboux - atteignent des sommets ; ils sont, chez les grandes espèces, aussi gros que l'oeil humain. Cela offre une surface de captation de la lumière aussi grande que possible au travers de la cornée, renforcée par sa forte courbature, et place le cristallin très loin de la rétine, en donnant une longue focale et en produisant un effet téléscopique. La rétine est pourvue de plus de cellules sensibles que celle des autres vertébrés, et notamment de cônes sensibles aux couleurs dans les deux fovéas. Cette particularité, alliée à l'effet de longue focale, permet de projeter sur la rétine, au travers du cristallin, une image à résolution élevée. De plus, les connections nerveuses des cellules sensibles sont développées et permettent une excellente transmission neurologique de l'image. Les rapaces ont plus de 50° de vision binoculaire, grâce à leurs yeux dirigés vers l'avant ; et ceci leur procure une bonne appréciation de la profondeur de champ et des distances, de même qu'une amélioration de leur vision par le recoupement d'images au niveau cérébral. La faible densité des bâtonnets, sensibles à la lumière mais non aux couleurs, signifie que les rapaces diurnes n'ont pas une meilleure vision nocturne que celle de l'homme. En revanche, l'acuité visuelle de certains aigles est deux fois supérieure.

L'oeil orange de l'autour à manteau noir (Accipiter melanochlamys) n'existe que chez l'adulte.
L'oeil brun de la buse pattue (Buteo lagopus) est moins "méchant" mais probablement de structure semblable. Les deux yeux perçoivent les couleurs et leur position antérieure permet de bien apprécier profondeur et distance

Avec son excellente acuité visuelle, un uraète audacieux peut repérer un lapin à 1,6 km.
Ce dernier n'est visible pour l'homme qu'à 500 m.

La structure osseuse orbitale offre de bons points d'ancrage aux muscles contrôlant l'ouverture de la pupille, le bombement du cristallin et les infimes mouvements de l'oeil. Tout cela permet un repérage rapide, une mise au point précise et une bonne accomodation à des lumières différentes. Les grands yeux des rapaces comportent des peignes plus développés que ceux des autres oiseaux. Cette excroissance de la rétine, richement irriguée parle sang, procure des nutriments à l'humeur vitrée et favorise peut-être la détection du mouvement. L'arcade sourcilière saillante contribue à donner au regard des rapaces une apparence fière, tout en protégeant l'oeil lors des affrontements. La troisième paupière transparente, ou membrane nictitante, est développée et participe également à cette protection.

En plus des paupières supérieure et inférieure, les rapaces en ont une troisième: la membrane nictitante de ce pygargue à tête blanche favorise le nettoiement et l'humidification de l'oeil, et elle se ferme souvent lors des captures, pour le protéger.

LE BEC RECOURBE

Le bec est un autre caractère saillant de la tête, de forme variable relativement au régime alimentaire. La forme la plus courante est celle d'un croc au bout de la mandibule supérieure, qui pénètre la chair comme une pointe de couteau. Les bords tranchants la découpent ensuite grâce à la pression exercée par la mandibule inférieure. Celle-ci est aidée dans son action par des mouvements tournants de la tête et la traction exercée par le cou et le dos, la proie étant solidement maintenue par les pattes. Chez les faucons et quelques autres espèces, les bords du bec portent une "dent" aiguë qui aide le découpage et permet de disloquer les vertèbres cervicales des proies. Certaines espèces, comme la buse des coquillages, ont un crochet terminal très développé qui leur sert à extraire les mollusques de leur coquille.

Son bec recourbé contrastant avec la cire et la peau faciale dénudée, un caracara commun (Polyburus plancus) s'attribue une carcasse.

Chez certains rapaces, le bec joue probablement un rôle secondaire dans les parades car il est très coloré, ou très gros comme chez certains grands aigles. Il peut aussi jouer un rôle en vol en agissant, avec la tête, comme un aérofoil. Le bec est couvert à sa base d'une cire charnue où s'ouvrent les narines. Cette zone dénudée, qui s'étend souvent vers la face et atteint la cavité buccale, est d'ordinaire de couleur vive, souvent jaune. La couleur de la cavité buccale est un trait apparent car celle-ci est souvent très large, comme chez le milan des chauves-souris qui avale ses proies entières en plein vol.

Le bec fortement recourbé et tranchant de cet aigle de Bonelli (Hieraaetus fasciatus) lui permet de déchirer ses proies.






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